L’initiative de dialogue de la CIPR sur la gestion des conséquences de l’accident de Fukushima

LOCHARD J.

Dans ses recommandations pour la protection des personnes résidant dans les territoires contaminés à long terme, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) met l'accent sur l'importance d'impliquer directement les populations concernées et les professionnels locaux dans la gestion de la situation, et sur la responsabilité des autorités

Présentation orale au Congrès National de Radioprotection de la SFRP, Bordeaux, 11-13 Juin 2013.

Article

Dans ses recommandations pour la protection des personnes résidant dans les territoires contaminés à long terme, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) met l'accent sur l'importance d'impliquer directement les populations concernées et les professionnels locaux dans la gestion de la situation, et sur la responsabilité des autorités nationale et locale pour créer les conditions et fournir les moyens favorisant cette implication.

Suite à l’accident de Fukushima, et aux sollicitations de différents acteurs japonais impliqués dans la gestion de la situation post-accidentelle, la CIPR a initié un Dialogue à l'automne 2011 entre des représentants de la préfecture de Fukushima et de collectivités locales, des professionnels locaux, des citoyens résidant dans les territoires affectés et des représentants d’organisations biélorusses, norvégiennes et françaises ayant une expérience directe dans la gestion des conséquences à long terme de l'accident de Tchernobyl. L’objectif du Dialogue est double : d’une part faciliter les échanges et la coopération entre toutes les parties prenantes de la gestion post-accidentelle et, d’autre part, identifier les démarches et les moyens nécessaires pour répondre aux défis de la réhabilitation à long terme des conditions de vie dans les zones affectées par l'accident.

La première réunion de ce Dialogue s’est déroulée dans les locaux de la préfecture de Fukushima en novembre 2011. Au cours de cette rencontre, les participants ont souligné l'importance de rétablir rapidement des conditions de vie sécurisées par rapport à la contamination ambiante, en particulier des produits alimentaires de qualité pour les communautés affectées, et d’organiser la solidarité des communautés non affectées. Ils ont également reconnu l'importance de développer la culture pratique de la radioprotection pour permettre aux habitants de comprendre et d'évaluer les informations sur les conséquences de l'accident et de prendre des mesures adaptées pour réduire leur exposition radiologique.

Les participants ont appelé les autorités japonaises et les organisations internationales à poursuivre :

- la coopération sur l'amélioration des conditions de vie, en particulier en ce qui concerne la participation des intervenants locaux et nationaux,

- le Dialogue afin d'identifier les conditions et les moyens pour développer des projets locaux de réhabilitation en tenant compte de l'expérience internationale.

La deuxième réunion du Dialogue s’est tenue dans la ville de Date en février 2012. Les objectifs étaient de discuter l’efficacité des mesures mises en œuvre jusque là dans les territoires affectés de la préfecture de Fukushima ainsi que les actions envisageables pour améliorer les conditions de vie des habitants. Les participants ont insisté sur la dimension humaine de la situation, l'importance particulière de préserver la dignité de la population et de renforcer la solidarité entre le niveau local et les niveaux national et international. Ils ont insisté sur la nécessité d'une caractérisation plus détaillée de la situation radiologique pour permettre aux habitants de savoir où, quand et comment ils sont exposés. Les participants ont recommandés aux pouvoirs publics:

- Que les décisions concernant les actions de réhabilitation reflètent la priorité des communautés, soient fondées sur leur connaissance du contexte local et préservent leurs intérêts actuels et futurs.

- De mettre en place un mécanisme visant à soutenir des projets proposés par les collectivités locales et les résidents afin d'améliorer les conditions de vie.

Ils ont également souhaité que l’initiative de Dialogue se poursuive pour favoriser la compréhension mutuelle et la coopération entre toutes les parties intéressées et élaborer des évaluations communes des mesures visant à améliorer les conditions de vie.

Le troisième Dialogue a été organisé à l'Hôtel de ville de Date en juillet 2012. Il a porté principalement sur la question complexe des aliments et des produits contaminés et permis aux producteurs, distributeurs et consommateurs de Fukushima de présenter les actions entreprises pour gérer les produits contaminés et s’en protéger et de partager leur expérience avec des habitants du reste du Japon. Les participants ont conclu qu’il convenait :

- De continuer à développer des stratégies de surveillance et des procédures de gestion afin de permettre aux agriculteurs de contrôler la qualité radiologique de leurs produits afin de regagner la confiance des consommateurs.

- De poursuivre les efforts pour contrôler individuellement les expositions internes et externes, et de fournir des informations et des outils afin d'aider les habitants à se forger leur propre jugement sur la situation radiologique.

- De créer un forum pour un dialogue permanent entre toutes les parties concernées (producteurs, distributeurs et consommateurs) sur la question des denrées alimentaires.

- De promouvoir la participation des parents, grands-parents et des enseignants au développement de la culture pratique de radioprotection chez les enfants.

- De renforcer le dialogue et la coopération avec les parties prenantes dans l'ensemble du Japon et à l'étranger.

La quatrième réunion du Dialogue s’est tenue également à l'Hôtel de ville de Date en novembre 2012. Elle était centrée sur l'éducation des enfants à l'école en s’appuyant sur les informations rassemblées au cours des Dialogues précédents. Les points suivants résument les principales conclusions des sessions qui se sont tenues au cours des deux journées. Les participants ont souligné :

- L’importance de la diffusion de la «culture pratique de radioprotection» pour les enfants mais aussi pour les parents et les enseignants. Pour ces derniers qui doivent transmettre des connaissances et des savoir-faire nouveaux pour eux la tâche est particulièrement difficile dans le contexte du débat social engagé au Japon depuis l’accident de Fukushima.

- Que la culture pratique de radioprotection n'est pas seulement une question de science mais inclut aussi des considérations culturelles et éthiques. Pour les élèves, l’objectif de cette culture est de leur donner les moyens d'agir vis-à-vis de la contamination avec discernement dans la vie de tous les jours. Elle est fortement liée à la surveillance radiologique permettant à chacun de savoir où, quand et comment elle ou il est exposé, et d'agir en conséquence pour contrôler l'exposition.

- Le fait que le matériel pédagogique officiel concernant la radioactivité et sa gestion développé au niveau national n'est pas suffisant pour la tâche à accomplir, en particulier dans les zones affectées où il y a un besoin de documents plus pratiques adaptés aux situations réelles.

- Que les enfants de Fukushima ont vécu une expérience dramatique, mais qui ne doit pas être oubliée. Bien que cette expérience ait été et demeure douloureuse, comme l'a souligné un participant, elle est aussi "précieuse" et doit être transmise aux générations futures et partagée avec le reste du monde. La crainte est cependant que les enfants des territoires affectés soient victimes de discrimination parce qu'ils sont de Fukushima.

La prochaine réunion du Dialogue se tiendra en février 2013.

La présentation s'attachera à mettre en avant les principales conclusions des Dialogues, les questionnements des populations affectées par l'accident de Fukushima et les actions engagées pour améliorer leur situation.

A1161

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