Le Centre d’étude sur l’Évaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire (CEPN) est une association à but non lucratif, fondée en 1976, pour évaluer la protection de l’Homme contre les dangers des rayonnements ionisants, sous ses aspects techniques, sanitaires, économiques et sociaux.

Les recherches et les études sont réalisées par un groupe de recherche pluridisciplinaire d’une douzaine de personnes. Le bilan du programme de recherche et d’études est présenté chaque année à un Conseil Scientifique qui émet des recommandations sur l’orientation de ce programme.

Les membres actuels de l’Association sont au nombre de trois : Électricité de France (EDF), l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et le Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA).

Le Centre d’étude sur l’Évaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire (CEPN) est une association à but non lucratif, fondée en 1976, pour évaluer la protection de l’Homme contre les dangers des rayonnements ionisants, sous ses aspects techniques, sanitaires, économiques et sociaux.

Dernières publications

Réflexion sur les fondements éthiques du système de radioprotection

SCHNEIDER T., LOCHARD J.

Le CEPN participe, avec le soutien de l'IRSN, à la réflexion engagée au cours des dernières années au niveau international sur les considérations éthiques et sociales qui participent au développement du système de radioprotection. Plusieurs questions ont été identifiés dans ce cadre liés notamment à la prise en compte de l'incertitude scientifique, aux modalités de protection différentes entre les travailleurs et le public, à la rationalité des limites de doses ou

Présentation orale au Congrès National de Radioprotection de la SFRP, Bordeaux, 11-13 Juin 2013.

Article

Le CEPN participe, avec le soutien de l'IRSN, à la réflexion engagée au cours des dernières années au niveau international sur les considérations éthiques et sociales qui participent au développement du système de radioprotection. Plusieurs questions ont été identifiés dans ce cadre liés notamment à la prise en compte de l'incertitude scientifique, aux modalités de protection différentes entre les travailleurs et le public, à la rationalité des limites de doses ou encore à l'attitude vis-à-vis des expositions des générations futures. Engager une démarche sur la question de l'éthique de la radioprotection est donc de nature à faciliter la compréhension du système de radioprotection ainsi que l’engagement d’un dialogue sur ses fondements, ses objectifs et sa rationalité. L'objectif de cette présentation est d'introduire trois valeurs qui contribuent au fondement éthique du système de radioprotection : la prudence, la justice et la dignité.

Quelques points de repère sur l'éthique

Il est d’usage dans les manuels d’éthique de distinguer : la méta-éthique, c’est-à-dire l’étude des concepts, des jugements et des raisonnements moraux ; l’éthique normative, qui examine les règles morales relatives au comportement de l'être humain et l’éthique appliquée qui s'appuie sur l'éthique normative pour la résolution de problèmes pratiques de la vie courante et de la vie en société, apportant ainsi un éclairage sur le sens des actions individuelles et collectives.

Du point de vue de la réflexion sur les bases éthiques de la radioprotection, c’est l’éthique normative dont l'objectif est de promouvoir les valeurs éthiques à travers l'établissement de normes et de règles pour la vie en société et le comportement individuel qui est pertinente. Cette réflexion porte sur trois niveaux :

• les valeurs éthiques elles-mêmes qui définissent les principes et les normes selon lesquels il convient d'agir,

• les procédures éthiques qui permettent d'intégrer les valeurs dans les processus décisionnels et dans la mise en œuvre pratique des décisions,

• les comportements éthiques qui sont ceux qui correspondent aux valeurs et qui sont censés guider la conduite des différents acteurs.

Les bases éthiques du système de radioprotection

La prudence, la justice et la dignité ont été retenues dans cette réflexion comme trois piliers de l'édifice du système de radioprotection :

• la prudence concerne la prise en compte des incertitudes inévitables de la science des rayonnements et renvoie à l'adoption du modèle linéaire sans seuil,

• la justice porte sur la prise en compte des inégalités dans la gestion des risques et renvoie aux restrictions sur les doses individuelles,

• la dignité permet de prendre en compte les capacités de décision des personnes autonomes et renvoie « au droit de savoir », à l’implication des parties prenantes et aux actions d'auto-protection.

La prudence

La prudence guide notre comportement dès lors que nous n'avons pas une connaissance parfaite des conséquences de nos actions. Elle porte sur ce qui peut arriver ou ne pas arriver en fonction des actions engagées. Elle renvoie à la question de la délibération dans les processus décisionnels.

Cette notion de prudence a conduit la Commission Internationale de Protection Radiologique à considérer que toute exposition était susceptible d'augmenter le risque de développer un cancer radioinduit et qu'il convenait de ce fait de réduire les expositions. Ainsi, en 1950, dans son paragraphe introductif, la CIPR précise que :

"Alors que les valeurs proposées pour les expositions maximales admissibles sont de nature à entraîner un risque qui est faible par rapport aux autres risques de la vie, néanmoins, compte tenu de la nature insatisfaisante de la plupart des preuves sur lesquelles nos jugements doivent être fondées, couplé avec la connaissance que les effets des rayonnements certains sont irréversibles et cumulatifs, il est fortement recommandé que tous les efforts soient faits pour réduire l'exposition à tous les types de rayonnements ionisants au niveau le plus bas possible ».

De même, dans ses dernières recommandations, la CIPR fait référence à la prudence et au principe de précaution dans sa Publication 103 (§ 36) :

"A des doses de rayonnement inférieures à environ 100 mSv par an, l’augmentation de l’incidence des effets stochastiques est censée se produire avec une faible probabilité et proportionnellement à l’augmentation des doses de rayonnement au-dessus de la dose due au fond naturel. L’utilisation de ce modèle, ainsi nommé linéaire sans seuil (LNT), est considérée comme étant la meilleure approche pratique pour gérer le risque dû à l’exposition aux rayonnements en accord avec le «principe de précaution» (UNESCO, 2005). La Commission considère que le modèle LNT reste une base prudente pour la protection radiologique aux faibles doses et aux faibles débits de dose."

Dans ce contexte, maintenir les expositions en dessous d'une limite d'exposition individuelle ne garantit pas l'absence de risque et la limitation des expositions individuelles relève alors de la tolérabilité du risque et de l'équité. La recherche des niveaux d'exposition "raisonnables" s'effectue alors dans le cadre de la mise en œuvre de la démarche d'optimisation de la radioprotection. La prudence implique aussi un devoir de vigilance en ce qui concerne les effets des rayonnements : obligation de surveillance sanitaire des populations exposées et devoir de poursuivre sans relâche la recherche dans les domaines de l'épidémiologie et de la radiobiologie afin d'améliorer la connaissance et éclairer les choix individuels et collectifs liés à l'exposition aux rayonnements ionisants.

La justice

La justice renvoie au bonheur individuel et collectif. Elle vise à garantir les libertés individuelles et à favoriser l’équité. Elle apporte un éclairage sur la recherche des compromis indispensables concernant les obligations réciproques entre les individus eux-mêmes et celles de l’Etat vis-à-vis des individus. Elle constitue la base du contrat social. La justice est définit comme l'évaluation sur la base des principes d'égalité, de liberté et de proportionnalité de l'équilibre des actions des individus dans la vie de la collectivité. Ces principes peuvent s'exprimer comme suit :

• Principe de l’égalité de traitement : l’intérêt de n’importe quel individu, quelle que soit sa position ou son origine, ne peut pas valoir plus ou moins que l’intérêt de tout autre individu ;

• Principe de liberté : chaque individu a le droit fondamental à l’autonomie morale ce qui se traduit sur le plan politique par le principe de souveraineté du peuple qui est seul légitimé à se forger les lois qu'il entend suivre ;

• Principe de proportionnalité : ce principe renvoie à la justice distributive qui repose sur la répartition des avantages proportionnellement aux aptitudes et aux mérites personnels de chacun et introduit également des mesures correctives pour favoriser l'équité au niveau de la collectivité.

La recherche d'équité dans le système de radioprotection se traduit notamment par la réduction en priorité des doses individuelles les plus élevées et la prise en compte de l'équité intergénérationnelle dans les choix impliquant la radioprotection. Ainsi, dans sa Publication 101 (§ 46) sur la démarche d'optimisation, la CIPR précise son objectif de réduction en priorité des doses individuelles les plus élevées :

"Les aspects complémentaires à prendre en considération dans la comparaison des options de protection sont les valeurs sociales, notamment l'équité dans la distribution des expositions parmi les groupes d'individus concernés. Par exemple, différentes options de protection pour un groupe de travailleurs peuvent être caractérisées par des doses individuelles et collectives moyennes mais avec des distributions de doses différentes. Dans cette comparaison, les considérations d'équité conduiront, dans la plupart des cas, à écarter les options de protection pour lesquelles les expositions individuelles sont les plus élevées. "

De même, dans la Publication 122 (§ 16 et 17) sur le stockage géologique, la CIPR introduit la prise en compte de l’équité intergénérationnelle :

" … les individus et les populations doivent bénéficier au moins du même niveau de protection que la génération actuelle… Les obligations de la génération actuelle vis-à-vis des générations futures sont complexes et impliquent non seulement les questions de sûreté et de protection mais également le transfert de ressources et de connaissances."

La dignité

Le concept de dignité renvoie tout d'abord à la condition humaine. Il s'agit de l'idée que quelque chose est dû à l'être humain parce qu’il est humain. Cela signifie que chaque personne mérite le respect inconditionnel, quel que soit son âge, son sexe, son état de santé, sa condition sociale, son origine ethnique et sa religion. La dignité renvoie également à la notion d'autonomie : les individus ont la capacité d'agir librement et moralement et sont donc des sujets responsables. La question de la dignité comprend un certain nombre d'aspects procéduraux favorisant la prise de décision de façon éclairée et efficace. Il s'agit notamment de l'auto-développement, du droit de savoir et de l'engagement des parties prenantes.

Dans le domaine de la radioprotection, la question de la dignité est implicitement présente dans la Publication 111 de la CIPR concernant la protection des populations résidant dans des territoires contaminés. Elle pose la question de l'accès à la culture pratique de radioprotection et à son développement ainsi qu’à la mise en œuvre d'actions de protection par les individus eux-mêmes en articulation avec les actions développées par les pouvoirs publics.

La notion de culture pratique de radioprotection correspond aux connaissances et aux compétences permettant aux citoyens de faire des choix et d’agir avec sagesse dans les situations impliquant une exposition potentielle ou réelle aux rayonnements ionisants. Elle a pour but de permettre aux individus de :

• s'orienter par rapport à la radioactivité dans la vie quotidienne ;

• interpréter les résultats des mesures ;

• accéder à des informations pour être en mesure de participer aux processus décisionnels ;

• évaluer l'efficacité des mesures de protection mises en œuvre ;

• échanger avec les différentes parties prenantes.

La notion d'auto-protection vise à permettre aux individus à prendre le contrôle de la situation et devenir acteurs de leur propre protection. Dans cette optique, les personnes exposées doivent comprendre où, quand et comment elles sont exposées et ce qu'elles peuvent faire elles-mêmes pour se protéger. En parallèle, Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de fournir les informations générales sur la situation d'exposition et sur les moyens de réduire les doses ainsi que de mettre en place les conditions et les moyens d'accès direct au contrôle des expositions.

Quelques pistes de réflexion

Cette réflexion sur les dimensions éthiques du système de radioprotection peut contribuer à construire un langage commun entre les différentes parties prenantes et à favoriser les prises de décision éclairées concernant les modalités de protection des différentes catégories d'exposition en fonction du type de situations d'exposition : expositions médicales, expositions de la faune et de la flore, expositions du public et des générations futures et expositions des travailleurs.

Les développements qui précèdent sont encore préliminaires et diverses questions mériteraient d'être approfondies dans le cadre d’une réflexion plus exhaustive sur l'éthique de la radioprotection. On peut mentionner :

• les fondements éthiques des jugements de valeurs concernant la prise en compte de l'incertitude et la variabilité des évaluations sur les effets des rayonnements sur la santé et la construction du détriment radiologique aux faibles doses et faibles débits de dose,

• la place de l'équité et son implication dans le processus d'optimisation de la radioprotection ainsi que dans la fixation des valeurs limites d'exposition,

• les valeurs qui structurent la tolérabilité du risque radiologique et sa mise en perspective avec d’autres risques pour établir des critères de dose,,

• les droits des générations futures par rapport à la protection contre les rayonnements ionisants liés à l'héritage du passé et les obligations des générations présentes face à ces principes éthiques,

• les principes éthiques guidant les décisions relatives à la protection de l'environnement,

• les fondements éthiques concernant les processus d'évaluation et de décision pour la mise en œuvre du système de radioprotection, notamment concernant le droit à savoir, le consentement éclairé et l'implication des parties prenantes dans ces processus.

A1163

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Expositions / Projets

Vous avez dit Radioprotection ?

Vous avez dit Radioprotection ?

« Vous avez dit Radioprotection ? Histoires de rayons X, de radioactivité… » est une exposition consacrée à la radioprotection, c'est-à-dire à l'ensemble des moyens visant à protéger les travailleurs, la population et l'environnement des effets potentiellement nocifs des rayons X et de la radioactivité.

La robe et le nuage

Robe et Nuage

La robe et le nuage propose au lecteur une plongée dans le monde de la radioactivité qui n'a rien d'un pensum pour physiciens avertis. Bien au contraire, l'ouvrage, destiné au grand public, s'attache à retracer l'histoire des rayons X et de la radioactivité, ainsi que celle de son nécessaire pendant : la radioprotection. Rédigé par un spécialiste français du sujet et une journaliste scientifique, il aide à mieux comprendre la radioactivité, de La robe de Marie Curie au nuage de Tchernobyl.

ETHOS en Biélorussie

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Le projet européen ETHOS avait pour but d’améliorer durablement les conditions de vie des habitants des villages dont la vie quotidienne a été fortement affectée par la présence à long terme de contamination radioactive à la suite de l’accident de Tchernobyl. Il s’agissait d’une nouvelle démarche pluridisciplinaire basée sur une implication forte de la population dans l’évaluation et la gestion du risque radiologique en concertation avec les autorités locales, régionales et nationales et des experts biélorusses.